40 ans de greffe rénale

Depuis 40 ans, Marthe Constant vit avec un troisième rein qui n’était pas le sien

A Saint-Privat-des-Prés (24), rencontre avec la doyenne des greffés
Marthe Constant, entourée de sa petite-fille Joanna et de sa fille Marie-Claude© PHOTO 

HERVÉ CHASSAIN

 

Sur les 1 500 patients greffés que suit en Aquitaine le service de néphrologie de l’hôpital Pellegrin à Bordeaux, Marthe Constant est la doyenne. Depuis quarante ans, à Saint-Privat-des-Prés, en Ribéracois, elle vit avec le rein d’un autre et s’en porte toujours bien à l’âge de 79 ans. Elle a ainsi vécu l’époque des pionniers des « reins artificiels » et des premières greffes fiables. »Ça avait commencé par de l’albumine, puis de l’urée », se souvient Marthe. Ses reins ne fonctionnant plus, il a fallu qu’elle passe à la dialyse, pratique qui commençait à se répandre. « J’ai eu de la chance, un centre venait juste d’ouvrir à la clinique Francheville de Périgueux, avec le docteur Gilles Delluc. Les gens venaient de très loin ».

Le médecin se souvient de cette époque de pionniers où il accueillait à Périgueux des malades d’Aurillac, de Toulouse ou de Pau. Il s’était formé spécialement en néphrologie et a ensuite mis au point, avec son équipe, la méthode d’éducation des diabétiques.

  • Le rein dans l’abdomen

Deux à trois fois par semaine, Marthe allait y passer dix heures de suite sans bouger pour nettoyer son sang. « On m’avait refait les veines mais, au bout d’un moment, il y avait des trous partout. Je ressortais lessivée. Ça n’aurait pas pu durer ».

Au bout de deux ans de dialyse, c’est encore le docteur Delluc qui a convaincu Marthe d’aller passer des examens de compatibilité pour tenter une greffe. « Il y avait des gens qui attendaient depuis des années, maison m’a trouvé très vite un rein. Je n’avais pas le téléphone, c’est un ambulancier de Ribérac qui est venu me chercher, à minuit. J’ai cru que le ciel me tombait sur la tête ».

  • Des anti-rejets à vie

Entourée de sa fille Marie-Claude et sa petite-fille Joanna, elle se remémore cette époque. « J’étais en chambre stérile et, pendant trois semaines, mon rein ne fonctionnait pas. Je devais être dialysée, et ça m’inquiétait. Un jour, il s’est débloqué ». Depuis, le nouveau rein placé dans son abdomen (on ne lui a pas enlevé les siens) lui a permis de revivre : « J’ai pu remanger du salé et du chocolat ». Ayant pu reprendre une vie normale, elle a été pendant vingt ans la secrétaire de mairie de sa commune.

La vie d’un greffé comprend cependant des contraintes, avec la prise de médicaments anti-rejets à vie deux fois par jour. « Ceux que je prends me provoquent quelques effets secondaires », remarque Marthe, mais elle approche des 80 ans avec bon pied bon œil. « Au début, elle allait tous les huit jours à Bordeaux. Maintenant, ce n’est plus qu’une fois par an ». Elle décline les noms des médecins qui l’entouraient à Bordeaux, les docteurs Aparicio, Potaux, Martin-Dupont…

Aujourd’hui, à Pellegrin, c’est le docteur Bruno Girol, lui aussi d’origine périgordine, qui l’accueille et admire sa bonne humeur. Marthe Constant démontre tous les jours l’importance du don d’organe pour redonner la vie. Elle avait alors profité du rein de quelqu’un qui était décédé.

Aujourd’hui, on essaie de développer en France le don entre vivants, comme cela se fait dans d’autres pays. « Cela se pratique de plus en plus, notamment entre époux et dans la même famille, souligne Bruno Girol. On vit très bien avec un seul rein ». Un partage très fort.

Je rajouterai que cette dame est un formidable espoir pour nous tous greffés, et prouve que la greffe « ça marche », même avec des prélèvements sur cadavres. On a trop tendance actuellement à encourager les gens à donner de leur vivant en prétextant que ces greffes fonctionnent mieux que les greffes sur cadavres. Une greffe cadavérique peut aussi apporter une compatibilité plus que satisfaisante et efficace…

 

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