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La greffe le 13/12/1987

Dimanche 13 décembre 1987, soit 1 an après la découverte de l’insuffisance rénale chronique, mais seulement 3 mois de dialyses, appel pour la greffe : « Nous avons un rein qui serait compatible avec vous. Acceptez-vous d’être greffée ? ».

Bien qu’attendu, je dirais même grandement espéré, ce coup de fil provoqua un état d’inquiétude et de doute. Je fus prise de tremblements et décidas de gagner du temps. J’avais dit « oui » mais j’avais peur d’y aller. Le soutien de Maman a été important une nouvelle fois.

Il faut rappeler que le téléphone portable n’existait pas en 1987 et de ce fait, on ne pouvait être joint que sur des téléphones fixes, de domicile ou de travail. Merci donc à la technologie de nous permettre d’être joints désormais partout et d’avoir ainsi une vie sociale agréable et facilitée.

Donc à 10 heures, appel téléphonique de Necker ; à 12 h 30, arrivée à l’hôpital ; à 14 h, le rein du donneur arrivait d’Amiens provenant d’un jeune homme de 20 ans, victime d’un anévrisme cérébral ; à 15 h, je fus opérée avec la dernière phrase de Maman « C’est un beau cadeau de Noël » ; à 21 h, j’étais réveillée.

Le lendemain fut assez douloureux lorsque mon chirurgien vint me retirer le pansement compressif que j’avais sur le ventre suite à l’opération.

Une semaine après la greffe, ma fistule s’est bouchée. Ma greffe semblait bien fonctionner (15 litres d’urine dès le début) mais les médecins n’ont pas voulu prendre le risque de me laisser sans fistule au cas où j’aurais besoin quand même de dialyses. Donc création d’une deuxième fistule, cette fois-ci sous anesthésie générale, qui n’a jamais servi aux dialyses et qui fonctionne encore, 25 ans après !

1 mois 1/2 après la greffe, ma créatinine étant montée à 200, un médecin m’appela à la maison. L’appel fut bref mais pénible : « Rejet, lésions cellulaires, traitement à changer, hospitalisation de 10 jours… ». Dans ma tête, toutes les situations se mélangent, je me voyais repasser en dialyses, être dé-greffée. Bref, le pire !

Pourquoi tant de souffrances pour si peu de temps ? Heureusement, à l’arrivée à l’hôpital, l’équipe médicale m’expliqua clairement ce qui se passait et qu’avec un traitement adéquat, le rejet allait être traité efficacement. 90 % des greffés font un rejet dans les 3 mois après la greffe.

Les visites à Necker vont s’enchaîner à un rythme régulier : toutes les semaines pendant 3 mois, tous les 15 jours les 6 mois suivants, tous les mois après la première année, puis tous les 4 mois après 2 ans de greffe.

Ma convalescence va durer 9 mois parce que mon employeur de l’époque (pourtant médecin !) ne voulait pas me reprendre. Ce fut par l’intervention de l’assistante sociale de l’hôpital que je pus réintégrer mon poste, mais c’est moi qui ait démissionnée par la suite.

Durant ces 25 ans de greffe, mes séjours à Necker furent assez restreints : hormis le rejet, il y eut une grippe saisonnière, une pyélonéphrite avec scepticémie, une phlébite, une intervention urologique et une hospitalisation pour fausse couche spontanée à 4 mois de grossesse, réalisée à Béclère, dans le service du Professeur Frydman.

Quelques effets secondaires non négligeables quand même : problèmes dermatologiques réguliers, kératoses à brûler tous les 4 mois, et 2 carcinomes retirés, zona intercostal, problèmes gastriques, problèmes de tension et cholestérol.

Mais ces désagréments, somme toute mineurs, ne ternissent en rien l’avantage d’être greffée. Nous retrouvons quand même une vie tout à fait normale, ne dépendant plus d’une machine, et par voie de conséquence, la carrière professionnelle s’en trouve facilitée.

Même le traitement médicamenteux par la prise d’une quinzaine de gélules par jour ne représente pas un inconvénient. L’organisation par un semainier facilite grandement la tâche et évite les oublis ou les doubles prises.

De même, les contraintes alimentaires des premières années de greffe sont oubliées. Le sel et le sucre font partie de mon alimentation, le tout avec modération !

On veut tout faire pour garder le plus longtemps possible notre greffon, on y fait attention, et c’est une marque de respect vis-à-vis de la famille qui a permis que je vive dans de meilleures conditions. Nous devons nous rappeler du chemin parcouru, plus ou moins sinueux, penser à notre donneur et aux privilèges qu’on a de pouvoir respirer la vie.

 

Découverte de l’Insuffisance Rénale Chronique

C’est en décembre 1986 que les premiers symptômes de ma maladie (maladie de Berger) vont se déclarer. J’ai alors 22 ans et suis secrétaire médicale dans un centre de radiologies et échographies, depuis 2 ans. Mon état physique se dégradant de jour en jour (fatigue intense au travail, douleurs musculaires importantes, hypertension, difficulté à écrire, besoin de 10 manoeuvres pour se garer sur le parking du travail), le médecin avec qui je travaille décide de me radiographier un soir, de la tête aux pieds, afin de découvrir la cause de tous ces maux. Les radios ne dévoileront rien, par contre l’échographie révèlera deux reins anormalement petits. Pour elle c’est une piste privilégiée à approfondir.

Elle me demande de me présenter le lendemain matin, à la première heure, dans la clinique où elle a des vacations de scanner, pour explorer davantage ses premières découvertes. Le scanner est effectué, même élargi au cerveau. Elle constate la présence d’oedèmes au cerveau et aux poumons. La prise de sang complètera ce tableau noir avec des taux surréalistes : 5 g d’urée et une créatinine à 2000 ! Le néphrologue de la clinique explique à Maman qu’avec des taux pareils, je pourrais être dans le coma.

Voilà donc la cause de tous mes maux : INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE.

Dialyse en urgence sur place à la clinique par branchement d’un cathéter à la fémorale pendant 4 heures. Mais au moment d’arrêter la machine, j’étais dans un tel état physiologique que je ne coagulais plus. Les médecins m’ont comprimée pendant 8 heures et ont décidé en pleine nuit de me transférer dans un hôpital parisien.

Me voilà donc à l’hôpital Tenon à Paris, que je ne quitterai qu’après 1 mois d’un séjour assez traumatisant. Là, je vais y apprendre la brutalité de ma maladie, la réalité des dialyses, la sévérité du régime alimentaire, la morosité des hôpitaux et le peu de respect du patient.  C’est tout du moins ce que j’ai ressenti à l’époque, mais les conditions étaient bien meilleures plus tard à Necker.

Je suis donc dans une chambre sinistre, sans salle de bains, seul un lavabo était présent sans intimité. La chambre ne possédait pas plus de téléphone.

Physiquement, j’ai un hématome de 8 kg dans la cuisse, souvenir de la première dialyse, assez encombrant pour se déplacer. Je vais vivre donc mes premières dialyses ici, programmées à n’importe quelle heure de la journée et dans des lieux totalement improvisés. C’est ainsi, qu’une fois, je me suis retrouvée en dialyse dans une chambre séparée d’un drap blanc d’une personne dans le coma. C’est effarant !

Je me souviens effectivement douloureusement de ces dialyses en journée, déjà pénibles en soit, car elles me provoquaient des baisses de tension assez impressionnantes (je me rappelle d’un 5 assez inquiétant !) et des crampes douloureuses, mais surtout parce qu’elles me privaient de mes visites journalières de Maman. Non seulement je ne pouvais pas la prévenir de ne pas venir, et elle faisait un déplacement important en transport depuis son travail, mais plus encore ses visites me permettaient de tenir le coup dans ce lieu sans vie.

Puis ce fut la pose de la fistule au bras gauche sous anesthésie locale à l’hôpital Beaujon. C’est vraiment une sensation très désagréable que d’entendre le bistouri vous ouvrir le bras !

A la sortie de Tenon, je fus dirigée vers Necker afin d’optimiser au mieux la réalité des choses, le Professeur m’expliquant le déroulement de mes prochains jours et mois à venir, et surtout me convainquant de l’évidence de me faire greffer.

Il réussit à m’adapter un traitement à la fois médicamenteux et alimentaire qui dura 9 mois, durant lesquels j’ai pu éviter les dialyses. Mon alimentation à ce moment devait me permettre de préserver les fonctions rénales restantes et de retarder le début d’un traitement de substitution rénale, à savoir l’hémodialyse.

Puis les résultats sanguins devenant critiques, le jour fut venu de reprendre les dialyses, mais dans des conditions beaucoup plus acceptables qu’à Tenon. Je dialysais dans une clinique près de chez moi, de 16 h à 20 h et travaillais le reste du temps.

Les hostilités commençaient donc avec ses contraintes et le compte à rebours débutait dans l’attente de la greffe. Combien de temps cela allait-il durer ? Personne n’en savait rien. 4 heures 3 fois par semaine, tel était le rythme des dialyses.

Cette période fut pénible du fait de baisses de tension systématiques et des hématomes importants au niveau de la fistule. Mais heureusement pour moi, ce fut bref, et à peine 2 mois après cette reprise de dialyses, je fus appelée pour la greffe.

 

« Hommage à Paps »

« Hommage à Paps »

Tu as vu le jour à Montesson,

issu d’une portée de dix polissons,

sur ton torse un dessin en forme de noeud-papillon,

alors, « Paps » sera ton nom.

 

Ton éducation fut aisée,

et les premières bêtises oubliées.

Tu pratiquais beaucoup d’activités,

vélo, natation et randonnées.

 

Les vacances estivales à Wassy

ont dévoilé un sportif accompli,

et après de bonnes journées remplies,

tu allais dans ta tente, au lit.

 

Puis, à Cabourg, il y eut ce week-end malheureux

où l’on apprend que ton larynx est défectueux.

Tu te montreras très courageux

pour affronter ce moment douloureux.

 

Peu de temps après, le diabète apparaît,

deux piqûres quotidiennes pour te soulager,

pendant un an, avec une activité diminuée,

et dans ta onzième année, tu vas nous quitter.

 

Un jour nous avons décidé de te laisser partir,

pour que tu puisses tranquillement dormir.

Sache que tu as su accomplir

un de nos plus beaux souvenirs.

 

Texte écrit le 11 février 2011.

 

« Tania »

« Tania »

Tu nous as rejoint à six semaines

pour devenir notre phénomène.

Numéro 9 d’une portée d’une dizaine

tu as été une exceptionnelle chienne.

 

C’est à Gisors que tu as vu le jour

et quand nous partions faire un tour

dans notre campagne de toujours

à Gisors tu manifestais ton amour.

 

Que d’événements partagés en ta compagnie

de la famille, tu étais l’enfant chérie.

Pour toi, nous avons sacrifié des sorties

mais cette situation nous l’avions choisie.

 

Tu acceptais tout de nous

pourtant les enfants ce n’est pas doux

mais jamais tu nous a fait la moue

et nous repartions ensemble comme des fous.

 

Par imprudence, une fois, tu as voulu goûter

une volaille que Maman avait préparée.

Mais malheureusement elle était arrosée

et il a fallu un jour pour te dessaouler.

 

Sois sûre, nous n’oublierons pas

les 15 ans de vie que tu nous apportas

Puisse avoir en haut une vie aussi belle qu’en bas

c’est notre voeu le plus cher, ma Tania.

 

Texté écrit en février 1988.

 

« La renaissance »

« La renaissance »

Il s’agit bien de renaissance

tous les greffés parlent ainsi

après avoir eu, un peu par chance,

un organe, vraie source de défis.

 

Renaissance physique bien sûr

car le greffon étranger est sain.

Mais on devient aussi plus mûr

sur le plan psychologique, c’est certain.

 

L’envie de vivre est tellement forte

que plus aucune barrière n’existe

permettant d’ouvrir de nombreuses portes

aux défis les plus fantaisistes.

 

Les greffés veulent vivre normalement

et ils le prouvent par leurs actions.

Mais parfois les gens sont méprisants

du point de vue de la réinsertion.

 

Mais les greffés sont assez nombreux

pour clamer haut et fort leur joie

de pouvoir vivre des jours heureux

en oubliant les faits d’autrefois.

 

Texte écrit en juin 1988.

 

« La greffe en 10 leçons »

« La greffe en 10 leçons »

La transplantation est possible ?

Alors acceptons d’être la cible.

 

Une intervention somme toute banale ?

Il faudra quand même une longue anesthésie générale.

 

Le régime doit être sans sucre, sans sel ?

Alors au revoir les caramels.

 

Le greffon fonctionnant, les toilettes aussi ?

Cela permet de boire à l’infini.

 

Il faut prendre de la cortisone ?

Certes parfois les effets étonnent.

 

Il faut passer sans cesse des examens ?

Autant se dire que ça ira mieux demain.

 

Il y a un risque de rejet chronique ?

Cela n’arrange pas les statistiques.

 

La cicatrice est impressionnante ?

Elle pourrait être plus importante.

 

Il faut faire des séjour à l’hôpital Necker ?

Mais pour moi, c’est une seconde mère.

 

La greffe, la panacée ?

Certes non, mais il faut tenter.

 

Texte écrit en 1988 à prendre au second degré, voire plus !

 

« La dialyse en 10 leçons »

« La dialyse en 10 leçons »

L’hémodialyse est nécessaire ?

Ce n’est pas une si sale affaire.

 

Il faut poser une fistule radiale ?

Il suffira d’une simple anesthésie locale.

 

Trois fois par semaine des séances de 4 heures ?

Cela fait 12 heures de sommeil réparateur.

 

Le régime alimentaire est draconien ?

Alors au revoir les restaurants vietnamiens.

 

La boisson doit être limitée ?

La soif de vivre doit pouvoir compenser.

 

Le poids doit être stable ?

Pour la ligne c’est impeccable.

 

Il faut prendre des médicaments ?

Certains sont déjà de véritables aliments.

 

Il ne faut pas trop faire d’effort ?

Mais rien ne contre-indique le sport.

 

La carrière professionnelle s’effectuera à mi-temps ?

En somme c’est plutôt intéressant.

 

La dialyse, un problème ?

Non, moi j’aime.

 

Texte écrit en 1988 à prendre au second degré, voire plus !!

 

« Première déception »

« Première déception »

Sur un simple coup de téléphone

tout l’espoir peut s’envoler

Mais il y a toujours une personne

qui est là pour réconcilier.

 

Je n’ai donc pas fait exception

et le rejet est bel et bien là

Mais après d’encourageantes explications

Plus fort encore le moral renaître.

 

La transplantation n’est pas la panacée

je le sais très bien.

Mais pourquoi ne pas avouer,

que l’on ne pense pas au rejet soudain.

 

Déceler l’anomalie à temps,

entre autre par la créatinine

permettra l’approche d’un traitement

qui vous donnera des jambes fines.

 

Ah ces corticoïdes si présents

sur le rejets, ils ont une action positive

mais les effets secondaires en résultant

nous amènent des constatations négatives.

 

C’est vrai ce n’est pas esthétique

mais comme l’on dit souvent,

mieux vaut une bonne thérapeutique

et le reste passera avec le temps.

 

Texte écrit en 1988.

 

« L’espoir »

« L’espoir »

Après l’annonce de la vérité

et l’air quelque peu déboussolé

il faut se remonter

pour pouvoir y remédier.

 

Le moral atteint par le diagnostic

ne doit pas se dissocier du physique.

Alors pas de panique

et le courant sera électrique !

 

Il faut envisager les solutions

les reins ayant une mauvaise fonction

l’hémodialyse permettra une meilleure filtration

mais l’espoir c’est la transplantation.

 

Puis ce fut le jour tant attendu

un coup de fil impromptu

une brève hésitation vite rompue

et en route pour Necker, la nervosité en plus.

 

A l’origine de mon bonheur, un malheur

toute une famille pleure

un être cher; jeune et rieur

non sans une certaine rancoeur.

 

Après les heures de souffrance

ce fut les jours d’impatience.

Puis les progrès si longtemps en instance

se firent nombreux, rapides et en puissance.

 

Texte écrit en 1988.

 

 

« ça n’arrive qu’aux autres »

« ça n’arrive qu’aux autres »

Ca n’arrive qu’aux autres

qui n’a jamais prononcé ces mots ?

Puis brutalement, les autres sont les nôtres

et les jours ne sont plus aussi beaux.

Deux combats doivent être entrepris

l’un contre soi,

l’autre contre la maladie.

Et ceci étalés sur plusieurs mois.

Nous pourrions penser immédiatement

que la maladie est la plus dure à contrôler

mais ce serait un faux jugement

car le psychique est encore moins aisé.

Quelle que soit la résistance

la maladie continuera d’évoluer

avec plus ou moins de puissance

car un traitement lui sera opposé.

A tout moment, le psychique doit suivre

quelles que soient les nouvelles

bonnes ou mauvaises, il faut survivre

pour avoir l’espoir d’une vie plus belle.

Vous avez dit hier

que « ça n’arrivait qu’aux autres ».

Je prouve aujourd’hui le contraire

car les autres c’est moi, et aucune autre.

Texte écrit en 1988.