Objectif 4000m
Objectif 4000. Quelques jours en atiltude entre plaisir et partage, à suivre ici et sur Facebook !
Voici ci-dessous la vidéo et le récit
Partir en montagne, j’aime. Pourquoi ? Peut-être à cause de la beauté des lieux ? Pour la contemplation, la découverte ? La performance et la technique ? Le partage unique que l’on peut avoir avec nos compagnons de cordée ? Le plaisir d’être « ailleurs » ? Le dépaysement ? La fierté d’être en haut ? … ?
Sommet de Castor, 4428m
Du 4 au 9 mai, je pars dans le Val d’Aoste et du coté de Chamonix, avec des amis et collègues de l’Amicale du Parc national du Mercantour, pour faire un peu de ski de rando…en altitude ! Pourquoi là-bas, pourquoi si haut me direz vous ? D’abord parce que ce coin est « sentimental », une histoire de famille. Ma grand-mère y était dans les années 30 pour gravir quelques beaux sommets comme le Cervin ou le Zinalrothorn. Et puis j’y ai passé pas mal de vacances d’ado, quand je n’avais pas de problème de santé. C’est d’ailleurs à cette période et dans ce coin que j’ai fait mes premiers sommets à ski de rando : Cima di Jazzi et Breithorn, en 93 me semble-t-il …Vous comprendrez donc, que ce coin là, je l’aime particulièrement. Ensuite, au delà des émotions, c’est un coin magique avec une série de splendides et uniques sommets à 4000m, de beaux glaciers, des paysages à couper le souffle ! Je crois que ces raisons sont valables pour décider de partir entre amis faire un peu de ski de rando !
Mais je n’oublie pas le Grand Paradis et pourquoi pas le Mont Blanc ! Certes, ce dernier est quand même à 4800m et je ne sais pas comment je vais réagir, en temps que dialysé, à l’altitude ! Alors l’hypothétique Mont Blanc sera tenté, uniquement si nous en avons les moyens physiques et que les conditions météo et de neige sont optimums. Pas de risques inutiles, que du plaisir et du partage. Oui, nous les dialysés, sommes fortement anémiés, n’éliminons pas l’eau et les toxines et devons faire 3 séances de dialyse de 4h pour remplacer nos reins. Mais pourquoi se priver d’aller au bout de nos rêves ?
Mardi 3 mai : Je suis en dialyse. Deuxième dialyse d’affilée de la semaine. En effet, le départ est décalé à cet après-midi pour profiter du beau temps mercredi et jeudi. La dialyse suivante se fera à Aoste vendredi matin: juste un peu d’organisation avec le centre de dialyse en Italie et c’est bon. Par contre, je vais avoir deux fois 2 jours d’affilés (mercredi et jeudi, puis samedi et dimanche) sans dialyse : attention à la prise de poids (eau) et au potassium. Le keyexalate sera dans ma valise !! Départ à 14h avec Anthony et Jean Marc. Je laisse Virginie ici, je le regrette un peu. Le matos est prêt : piolet, crampons, cordes, baudrier. Les skis sont fartés c’est bon ! Et puis j’ai la chance d’être soutenu par Cilao qui m’a offert un sac à dos ultra léger de ski de rando. Ce sac me permettra de gagner presque 1kg par rapport à mon ancien. Pour moi, le poids est l’ennemi numéro un en montagne !
11h fin de dialyse, je vous laisse et à suivre ici cette semaine si j’arrive à me connecter !
14h30, je dis bye bye à Virginie qui elle, part pour une formation sur Montpellier…dans 1h. C’est parti pour 4h de route. Notre but premier en arrivant sur Cervinia est de trouver un hotel. Fin de saison, tout est fermé. Il en reste quelques uns sympa quand même. Nous atterrissons à l’hotel Edelweiss. Un 3* à l’italienne. L’accueil est bon, la chambre sympa. 19h30 on attaque les sacs. Pfff…que de matos, les sacs sont lourds ! Et oui, nous partons pour deux jours, si tout se passe bien. 20h30 Repas à l’italienne : gargantuesque. Carpaccio de bœuf, pates au gorgonzola, agneau, froamge, panacotta et gelatti ! Une bonne douche, finalisation des sacs et hop, dodo ! Demain, un grand jour, je l’espère, nous attend.
Le col du Breithorn
Mercredi 4 mai : 6h30, le réveil sonne. Pas facile de se lever. Ciel bleu ! Ca motive. La première benne pour Plateau Rosa ( 3500m et départ de notre périple ) est à 8h10. Les sacs sont dans le couloir de l’hotel et je descends. Et là, je le prends en pleine poire : le Cervin. Il est toujours aussi impressionnant depuis Cervinia. Direction la salle buffet du petit déjeuner. Il est déjà 7h30…
Le départ est proche et les premiers doutes s’installent : comment vais-je réagir à l’altitude ? Et si je n’y arrive pas ? C’est vrai qu’avec une certaine anémie, je peux prendre quelques risques et me sentir mal « la haut ? » ! Et puis si je vais trop lentement, je vais être un poids, un boulet pour mes deux compères …non, n’y pense pas trop, le mental aura une importance particulière pour ce séjour en altitude !
9h15, sous le col du Theodule ! L’aventure commence par un « hic » ; la benne qui monte à plateau Rosa est fermée. Nous sommes donc 200m sous le départ prévu. Heureusement, les « pioches » Suisse sont ouvertes… à 9h30 et pas 29 comme nous le précise le perchman suisse allemand !!
9h45, départ. Le vent est là et même bien là. On enfile les épaisseurs, il fait froid. Les premiers pas ne sont pas faciles, je ressens déjà l’altitude. Mais moins qu’il y a deux ans dans le même coin pour un séjour ski entre Cervinia et Zermatt. Les montagnes sont belles, le Cervin toujours là, le Breithorn en point de mire…700m à monter. Mais avant il faut se diriger vers le col du Breithorn. En gros, c’est la fin des pistes de ski et le début de la grande aventure. Jean Marc est déjà loin et a rattrapé du monde. Anthony, parti un peu après moi, arrive , emmitouflé dans sa veste,avec juste le bout du nez qui dépasse. Je rame un peu et me pose des questions, toujours et encore. Mais finalement pourquoi ? Cela ne sert à rien de supposer. Avance et tu verras bien ! Arrivé au col de Breithorn, le décor se précise.
Pas loin, sur notre gauche le Breithorn, à 4165m, puis en enfilade, après la chaine du Breithorn : Pollux (4061m), Castor (4223m), Lyskamm (4500m) et bien sur Mont Rose (4600). Que de beaux sommets, que de blanc, c’est superbe. Rien que d’être là c’est déjà du bonheur ! Avant d’attaquer la dernière montée, un faut plat me casse les jambes…et puis ça monte, ça monte.
Doucement Manu, doucement, ne cherche pas à aller trop vite, reste fidèle à ta devise : « jamais dans le rouge ». Et puis enfin, ca y est, la barre fatidique que tout alpiniste souhaite passer un jour, c’est la barre des 4000m qui annonce, on peut le dire maintenant, la « haute montagne »…bon, certes, on est pas à 8000, mais quand même, avec mon anémie ce n’est pas si mal ! Mais 4000m, ce n’est pas le sommet. Le souffle raccourci, la vitesse du cœur accélère….heu non, pas spécialement ! Incroyable, je ne suis pas trop mal, en tous cas, mieux que ce que je pouvais imaginer.
11h30, 50m sous le sommet c’est la dernière conversion puis les derniers mètres. C’est superbe, le Cervin domine et le paysage est grandiose. Une belle première émotion pour ce premier 4000.
Objecitf 4000 validé au Breithorn, 4165m
Objectif 4000 déjà validé ! Séance photo avec Jean Marc et Anthony. On ne traine pas, le vent souffle fort. On mangera un bout plus bas. On resserre les chaussures, on rechausse et hop, direct dans la pente. Rien de bien technique, mais la neige n’a rien d’exceptionnel, dommage car croutée. Pause casse croute, ca fait du bien. La suite du programme ? Direction le refuge des Guides D’Ayas…une grande traversée nous attend au bord de quelques crevasses parfois bien ouvertes. Pollux se rapproche, nous allons passer à son pied. Et c’est là que petit à petit vient une idée : il est 14h, il fait grand beau et nous sommes en forme. Jean Marc devant, se rapproche de la face Nord…derrière, avec Anthony, nous comprenons que l’idée prend forme : un deuxième 4000 dans cette même première journée…ouf… ! Bon, il n’en faut pas trop pour me décider, surtout lorsque l’on voit ce beau couloir, cette arête neigeuse finale…et cette si belle pente de la face nord…skiable cette année ! Ni une, ni deux, Jean Marc enlève ses skis pour mettre les crampons. J’arrive à son niveau, Anthony suit quelques minutes plus tard. Je suis déjà bien entamé et Jean Marc me propose de prendre mes skis sur son sac, avec les siens. J’accepte, nous sommes une équipe, le but est d’aller en haut, il peut porter plus, pas moi. Anthony ne se sentira pas de skier la raide face nord et laissera ses skis au pied du couloir. C’est en crampons que nous avançons maintenant. Neige, mixte, rien de dur mais une belle ambiance aérienne, du vent, du froid.
En haut du couloir de neige de Pollux, derrière à droite, Castor, le sommet du lendem
ain
Un petit pas d’escalade avec corde fixe
Mais voilà, un passage technique, auquel je ne m’attendais pas arrive. 50m à faire en rocher avec le froid, le sac, le vent, les crampons…et la fatigue. Heureusement il y a des cordes fixes. Je démarre devant me sentant en confiance. Malheureusement je prends la mauvaise voie et butte sur un bloc surplombant. Il faut tirer sur la corde juste à la force des bras je ne me sens pas. Je reviens au point de départ et Jean Marc, lui, démarre sur un autre itinéraire…sans crampons. A lui de bloquer un peu, à un endroit un peu glacé. Que faire ? Demi tour, mettre les crampons et repartir ? Même pas le temps de se poser la question ; 4 Norvégiens, en train de redescendre lance leur corde pour un rappel. Ils proposent gentiment à Jean Marc de l’assurer pour passer ce petit passage en glace. merci ! Avec Anthony nous attendons au pied de ce passage, certainement facile en été …Quelques minutes plus tard, le brin de corde arrive. Je monte suivi d’Anthony. Première longueur ok. La deuxième est plus facile. Mais le haut de ce passage n’est pas le sommet. Nous avons perdu pas mal de temps, le vent souffle très fort, le froid persiste, l’heure tourne. Anthony, sans ses skis décide de redescendre. Quant à Jean Marc, à fond avec moi dans le projet Objectif 4000, il me pousse pour aller au sommet. Il reste100m à faire sur l’arête sommitale. Le vent souffle fort, il doit faire -20°C. Pour preuve, je ne sens plus le bout de mon nez…j’anticipe et demande à Jean Marc comment il est. Réponse : blanc ! Aie, ça gèle !! Ni une ni deux, Jean Marc me « bouffe » littéralement le nez et lui souffle dessus. Ca revient rapidement ouf ! A ce moment là, je commence à faiblir physiquement. Déjà faire deux sommets dans le même jour, mais alors deux 4000, même si c’est le lendemain d’une dialyse, je fatigue.
Sommet de Pollux 4092m
17h ; le sommet est là, je crois que c’est au mental que j’y suis arrivé, mais bien content de voir un tel panorama et de partager ce moment avec Jean Marc qui s’est donné pour moi dans cette montée. Des conditions loin d’être extrêmes, mais pas facile quand même pour ce Pollux qui culmine à 4061m ! Nous descendons en crampons jusqu’aux skis Et là, pur bonheur : descendre la face Nord de Pollux. Etonnement je me rends compte que je ne m’épuise pas à la descente; pourtant, les jambes travaillent beaucoup avec ces virages sautés…Je pense avoir suffisamment de technique pour m’économiser et me faire plaisir. Comme quoi, le physique ne fait pas tout, loin de là. La pente est belle : 45° environ nous pensons. Le vent a légèrement faibli dans la face et prenons le temps de filmer ces moments intenses. Au pied de la face, Anthony arrive juste. Quelle synchro ! Il est déjà 18h, la lumière est belle, le vent se calme. Le silence est là. Plus personne en vue…juste le refuge en contrebas que nous devons rejoindre. 300m de descente entre les séracs auront raison de moi. Je suis lessivé de cette journée…vivement le refuge.
La descente de pollux
18h30, je pousse la porte du refuge et découvre le bonne ambiance qui y règne. Je suis crevé et me pose 5 minutes. L’ambiance italienne avec des gardiens sympathiques me rebooste un peu ! Enfin un refuge ou ce n’est pas l’usine ! Je m’autorise des boissons sans trop compter…après tous ces efforts, je pense avoir transpiré suffisamment pour me faire plaisir sur la quantité de Coca absorbé…du sucre, du sucre. Il faut reprendre des forces. La soirée sera très sympa avec les Norvégiens que nous retrouvons à notre table ! Je mange peu, trop fatigué. La soirée est courte, demain une belle journée nous attend.
Le refuge des Guides d’Ayas
La montée dans la face nord de Castor
Jeudi 5 mai : 4223m, l’objectif du jour s’appelle Castor. Monter un peu plus haut, voir comment un dialysé réagit à l’altitude, voici aussi le but de mon voyage blanc.
8h, départ. Pas la peine de partir trop tôt, il fait froid, le ciel est grand bleu. Castor est un magnifique sommet avec une arête sommitale d’exception parait-il…depuis le temps que je l’entends de la bouche de mes parents, j’ai envie d’aller le vérifier ;). Le départ est dur, mais pas abominable. Je sais que j’ai fait de gros efforts hier sans élimine les toxines , j’espère que ca ira aujourd’hui. Un dialysé garde toutes ses toxines et peut perdre son eau non pas par l’urine (puisqu’il n’urine plus), mais seulement par transpiration…Apres 300m de dénivelé, la pente de Castor est là. Il faut monter d’abord les 400m de cette belle face à ski avec 2 rimayes. Jean Marc file devant comme à son habitude, avec Anthony nous restons ensembles, j’arrive à le suivre, je suis content de ma forme. Nous sommes les seuls à monter toute la pente sur les couteaux, même le passage de la première rimaye se fera en ski. Les autres laissent les skis assez bas et montent en crampons. Je trouve dommage de ne pas profiter de cette belle pente, même si en effet elle nécessite un petit niveau à ski (35° je pense). Arrivée à la rimaye, nous mettons les crampons. Le passage de la rimaye et de la pente finale avant l’arête ne présentent pas de difficultés majeures si ce n’est le froid , l’altitude. Mais la chance est avec nous puisque le vent tombe légèrement. Et puis là, d’un coup, c’est magique. J’arrive en haut de la dernière pente et l’arête finale apparaît. Esthétique en diable. C’est fou ce que la nature peut être belle. Je crois que c’est l’un de mes plus beaux finals. 50 cm de large, juste de quoi mettre ses pieds, une neige mordante à souhait pour les crampons. Profiter de ce moment me parait indispensable. J’y crois pas, c’est trop beau. Les photos parleront d’elles mêmes.
L’arête finale, si esthétique, de Castor
Quelques minutes plus tard, j’arrive le premier et seul au sommet. C’est superbe et l’émotion est là. 4223m, un paysage à couper le souffle. Anthony arrive juste derrière moi tout aussi heureux d’être là. Jean Marc suit, et c’est ensemble que nous brandissons le drapeau « Montagnes d’espoir » ! Encore une victoire, quelle victoire ! La descente sera rapide avec un rappel pour repasser la rimaye puis reprendre nos skis. La descente de la face se fera dans une neige plus que moyenne mais « tournable ». La pente est belle. Au pied de Castor, il reste à se laisser glisser jusqu’au col du Schwarztor. Il est déjà 13h30. Nous aurions la possibilité de descendre coté Zermatt par le magnifique glacier du Schwartor mais il est trop tard. Non pas pour les conditions, mais je dois être impérativement être à Aoste demain matin, ce qui implique de redescendre coté italien. En prenant le Schwarztor il sera trop tard pour remonter au Petit Cervin par les remontées puis passer sur Cervinia. Abandon de cette option. Retour au départ, d’abord au col du Breithorn sous un soleil de plomb. Pas facile ce retour même si je prends le temps d’admirer et photographier ces petits exploits ! Nous arriverons à descendre jusqu’à Cervinia à ski. 17h, nous nous arrêtons à Valtournenche pour manger un bout, puis descendons trouver un hotel à Aoste. Mais avant, le deuxième objectif du jour : repérer l’hopital pour demain matin, pour ma séance de dialyse ! Et oui, je dois épurer toutes ces toxines !
L’équipe au sommet de Castor
Vendredi 6 mai au matin, 6h30, le réveil sonne. Mes deux compères dorment. Pas de bruit. Lavage de dents, je fais valise, habillage et hop, je ferme la porte derrière moi sans faire de bruit. Je descends et vais prendre un petit dej relativement léger. Le centre de dialyse est à 10 min à pied de l’hotel. J’en profite pour traverser le viel Aoste le matin tôt : c’est idéal et me permet de voir le réveil de cette ville qui renvoit de bonnes ondes. De belles rues, de beaux bâtiments, j’aime. Arrivé à l’hosto d’Aoste, le service dialyse est facile à trouver. J’entre. l’impression de tomber un peu dans la cour des miracles…mais bon, c’est l’hôpital et ses vieux. Pas facile mais le personnel est très sympa avec moi, content de voir un peu d’animation grace à un français. Du coup tout le monde se force à parler français. J’en profite pour sortir mes deux mots d’ italien. L’ambiance est bonne. Surprise, les machines de dialyse sont les mêmes, bon point. Laura la secrétaire me salut; je lui demande ce que je dois lui donner comme papiers : rien, tout est ok. Finalement, c’est très simple de dialyser dans l’UE ! Le poids ? 3kg3. Pas énorme vu la quantité que j’ai bu. La séance de passera sans problème mais comme à chaque fois, après de gros efforts et de sport, j’ai mal au crane en fin de séance. Je sais d’avance que j’en ai pour la journée. Aie Aie Aie, nous devons monter en refuge cet après midi. Fin de dialyse, je suis bien fracassé. Est-ce la séance ? Est-ce la fatigue accumulée ? Le manque de sommeil ? Un peu les trois certainement. Je dis au revoir aux petites infirmières italiennes que je remercie également. Super sympa, franchement. Dès la sortie de l’hôpital j’appelle les copains qui attendent. Nous finissons dans une pizzeria typique et m’accorde un coca et de l’eau. Je crois que je suis bien sec ; j’ai mal au crane, je ne suis pas à 100%. La pizza me fait du bien mais j’appréhende la montée en refuge. Heureusement nous avons une petite heure de voiture pour arriver à Pont, dans le Parc national du Grand Paradis et point de départ pour le refuge V. Emmanuel où nous passerons deux jours. JM propose une petite sieste avant de partir. OK ca me permettra de reprendre quelques forces. 16h je prépare mon sac. 16h30, nous prenons un dernier pot à l’auberge du coin avant de démarrer nos 800m de déniv, skis sur le dos ! J’ai peur de cet effort. Mais finalement, après quelques mètres, les effets dialyses disparaissent complètement. C’est fou, j’ai la pêche. Ca ne m’arrive pas souvent après une séance. Si on reste à « comater », rien ne va plus, la journée est foutue. Si on trouve un peu de moral pour se bouger quelques minutes, hop, le physique revient !
Au refuge
17h, nous démarrons. Le repas est à 19h il ne va pas falloir trainer. C’est ce que nous faisons, en moins 1h45 nous arrivons au refuge, pas mal. Peu de monde au V. Emmanuel. Une bière pour JM, un coca pour Tonio un pour moi. Nous avons une mini chambre de 4 pour nous. La soirée est l’objet de toutes les discussions.
L’équipe de choc !
Samedi 7 mai ; 6h30, bip bip. C’est doucement et sous le ciel bleu que nous attaquons cette journée. Aujourd’hui, dernier 4000 du séjour. Peut-être le plus emblématique, mais pas le plus dur. Cependant, c’est quand même 1300m deniv qui nous attendent. Le temps est frais mais pas glacial. Le regel est bon et nous démarrons assez rapidement. La première partie de la rando n’est pas très excitante, soyons objectif….et c’est bien pour cette raison que JM avance vite, très vite. Il doit facilement atteindre les 800m heure…nous avec Anthony nous avançons plus doucement et pourtant nous sommes presqu’à fond. On monte relativement vite quand même, et faisons les 800 premiers mètres en 1h30 environ. Nous arrivons à mi-montée. Le paysage commence à s’eclairer, s’ouvrir; nous apercevons le sommet et le glacier encore bien bouché. On enchaine, le temps est beau et j’avance bien, vite même. Je suis d’ailleurs très surpris de cette forme du moment. Moins de 3h pour faire 1300m ! Et puis viennent les derniers mètres avant la petite arête finale. Je suis à fond physiquement et mentalement, je me sens bien, euphorique. Tellement bien que l’émotion monte. Est-ce le stress des derniers jours qui retombe ? Est-ce la satisfaction d’un objectif atteint ? Est-ce la beauté des lieux ? Je ne sais pas, mais l’émotion monte. Je pense à ma grand-mère qui me regarde de là haut haut, je pense à ma famille qui m’a appris à tourner les spatules, je pense à Virginie qui attend de mes nouvelles et avec qui je peux partager cette passion, je pense à tous les dialysés et malades qui n’osent pas pratiquer de sport, ..Et évidement, sous mon masque, une puis deux larmes coulent…que c’est bon d’être là, dans cet état !
Sous le sommet du Grand Paradis, avant l’arête rocheuse
Il reste une petite arête à franchir pour atteindre le sommet. JM qui nous a fait peur la veille en disant qu’il ne l’avait pas passé la dernière fois qu’il est venu, passe en tête. Anthony, lui flippe un trop et ne souhaite pas passer. Nous ne voyons pas la partie « escalade ». Je propose à JM de poser une corde fixe. aussitot dit aussitot fait! je l’assure et m’occupe de la manip de mon coté. Je m’engage et à ma grande surprise, trouve de l’autre coté, une arête complètement débonnaire. J’appelle Tonio et retourne en arrière pour lui montrer que c’est facile. Il faut absolument qu’il monte au sommet pour que notre belle équipe soit au complet. C’est autour de la Madone au sommet que nous déployons le drapeau Montagnes d’espoir en haut de ce 4000 .
Au sommet du Grand Paradis, encore une montagne d’espoir !
Le retour sera rapide sur une neige de printemps 4* ! Que du bonheur !
Nous passerons l’après midi au refuge entre sieste, discussion, rigolade. Le repas du soir sera le bienvenu. Demain dimanche, dernière rando. Nous ne savons pas encore quoi, mais quelque chose on fera. A priori pas trop long puisqu’il restera le trajet retour sur Nice.
Refuge V. Emmanuel la nuit
Dimanche 8 mai :
6h30, on se lève. Si la veille le refuge accueillait une centaine de personne, ce matin nous sommes les derniers à partir. De toute façon, nous sommes les seuls à ne pas aller au Grand Paradis. Nous nous engageons plein Sud en direction du Ciarforon. Un sommet à 3646m environ mais surtout un sommet qui domine le refuge. Par ou l’aborder ? Arête Est, Face Nord ? Nous avons choisi de tenter quelque chose d’original. Au refuge impossible de trouver un topo ou quelqu’un qui l’a déjà fait. Même le gardien est septique. Mais nous y croyons et cet itinéraire potentiel est sur le chemin du retour. En effet, nous descendrons par le vallon de Seiva. 8h30, d’un coup, la Face ouest sud-ouest apparaît. Aucun doute, ça passe, mais c’est raide. JM et moi sommes motivés. Pour Anthony c’est moins évident. Fatigué et vu la pente très raide il descide de nous attendre. De plus, une grosse semaine l’attend, alors ce sera repos au soleil pour lui. Avec Jean Marc nous entamons la montée.
En pleine montée de la Face Ouest du Ciarforon, belle ambiance
La neige est dure, la pente raide, on pense jusqu’à 35/40° sur neige dure…donc sur les couteaux ! Je ne suis pas rassuré mais avance pas trop mal. Fini les skis, c’est trop raide, 40/45°, on met les crampons et entamons la deuxième partie de la face. Par contre, on enfonce ! Ouf, ca va être compliqué de monter. Et puis, parfois la neige est dure, portante. Plus nous montons et plus l’impression est bonne. On remet quelques mètres les peaux, puis pour finir nous remettons une dernières fois les crampons pour les derniers 100m. La sortie de la face est superbe et excitante. Cette course est sauvage à souhait avec une très belle ambiance….une course « Mercantourienne ».
Dans le couloir final
La concentration est de mise. Mais pour finir, c’est un dôme/arête facile en neige. Et voilà, dernier sommet du séjour. Nous prenons le temps d’admirer une dernière fois la vue. Et pour clore, nous chaussons les skis au sommet. Le départ est beau et d’un coup la face réapparait, mais cette fois il faut la descendre. Wouahou ! Ca en jette. Mais sur les skis, avec JM nous sommes à l’aise et j’en suis le premier surpris. La neige est relativement bonne ce qui nous permet d’attaquer la belle pente. Ouf, ca envoi du gros.
Jean Marc à la sortie
Le sommet en vu !
Au sommet avec le Grand Paradis derrière, juste dans les nuages
Virages sautés, quelques dérapages…mais ca passe sans problème, on se fait plaisir. Reste un petit passage étroit, mais là aussi on arrive à passer sans déchausser. Malheureusement les derniers mètres arrivent vite et nous retrouvons enfin Anthony qui a nous a attendu un bon bout de temps, j’en suis mal pour lui. Le reste de la descente sera de la balade à ski en neige très molle. Il fait chaud, très chaud. 14h00, reste à porter 200m de déniv et nous arrivons à la voiture. Il est 15h, nous nous changeons, de nouvelles chaussettes, un bon tee shirt , un bon coca en terrasse et c’est l’heure de rentrer.
Une bien belle pente…
…dans une bien belle neige !
21h, je quitte mes 2 compagnons d’une semaine de rêve. C’est la fin de cette aventure ou le partage et le plaisir étaient les maitres mots dans un défi que je m’étais fixé : celui de gravir des sommets à plus de 4000m pour montrer que même avec de gros problèmes de santé il est possible de vivre ses passions, vivres ses rêves. J’espère que ce récit donnera un peu d’espoir à d’autres. Une chose est certaine ; tous ces sommets gravis feront partis de mes Montagnes d’espoir, de nos Montagnes d’espoir, à nous les dialysés !
Que du bonheur !