Montagnes D'espoir, le blog d'Emmanuel

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Chronique d’un appel de greffe…

Comprendre, revivre, prévoir un appel de greffe. Voici mon expérience, vue du patient…

 

21 mars, 22h, il me reste 30min sur mes 4h de dialyse. Je suis tranquillement devant la télé et derrière mon ordi. Pas trop de poids à perdre, la dialyse se passe bien. Virginie m’appelle. Elle arrive sur Lyon par le train et s’est rendue compte qu’elle avait oublié ses clefs d’appart ! Panique à bord. C’est coup de fil sur coup de fil pour régler la situation. Bref, on trouve une solution. Et puis là, un Nième coup de fil. Je prends mon portable pensant pertinemment que c’est un appel de Virginie. Et la surprise. Sur l’écran de mon vieux portable perso « Hôpital de Jour Nephro ». Il est 22h15. Une sonnerie, deux sonneries. Le temps s’arrête quelques secondes, mais mon cerveau percute de suite. Allo ? Bonjour, c’est la néphro à Pasteur, c’est un appel pour la greffe. Vous pouvez venir ? Étonnamment, je suis lucide, précis, synthétique. Je pose les bonnes questions de base. Et voilà. Mélange de sentiments. Joie, peur, stress ?? Je ne sais pas, certainement un peu tout. Je raccroche. A la manière d’un coup de rush en cuisine, j’ « actionne », j’active. Coup de fil aux parents, coup de fil à Virginie, à Claire. Il faut organiser…mais je tremble, au sens propre comme figuré. Fin de dialyse, je dois raccrocher. J’ai du mal à tenir mes points de compression. La tension est montée à 16 / 10 ! Quelques échanges avec les collègues de dialyse, l’infirmière. On y croit, mais je ne suis pas seul sur la liste. A cette heure-ci, je sais que nous sommes 2 sur le coup. Je me dis : « une chance sur deux ». Enfin chance, je connais, c’est en effet une chance mais de durs moments en perspective. Opération, lourds traitements, hospitalisation, régime…Mais l’heure n’est pas aux plans, pas de supposition disait « le troisième accord toltèque » ! Avançons et voyons les choses venir avec sérénité. Il y a encore beaucoup d’étapes avant que le greffon se rapproche de moi.

22h45, je monte dans le taxi. Direction le CHU, l’hôpital Pasteur. 23h, j’arrive dans le service de nephro, mes parents sont là, fidèles au poste ! L’infirmière m’accueille, me prend la tension, 13/9, ça descend. L’interne arrive. On discute. Et là, c’est moins drôle. Enfin, je ne sais pas. Ce qu’elle m’annonce me permettra de relativiser la situation et me calmera mes quelques ardeurs. En effet, 2 autres personnes. L’une à Bordeaux, l’autre à Paris sont prioritaires par rapport à moi. Je comprends que mes chances sont très minces…C’est le début de la phase d’attente. 23h45, après discussion, je rentre chez moi. Pas la peine de passer la nuit à l’hosto. On ne saura pas avant demain matin si le greffon est pour moi. Minuit, dodo. Mes parents dorment chez moi. J’ai eu Virginie au téléphone maintes et maintes fois. La pauvre, du stress, de l’angoisse, l’inconnu…la peur. Elle est seule à Lyon et en plus a passé une mauvaise soirée. Je pense la rassurer, la calmer. Il faut dormir, la suite demain.

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22 mars, 6h30, réveil. Je dois être à l’hosto à 7h30 pour…bé je ne sais pas trop au fait. Voir le Chir, le doc, faire les analyses complémentaires. Arrivé à l’hosto, ça commence à bouger. Les infirmières m’installent dans une chambre où un Mr dort. J’en ressors quasi directement, je n’aime pas cette ambiance, je préfère attendre dans le couloir. Mes parents sont là. La coordinatrice greffe arrive juste. Elle tombe sur nous. Très gentille, on discute. On va faire le point, elle va regarder précisément sur son ordi où on en est avec les autres patients alertés et l’état du greffon. Bilan de la situation : greffon à priori au top. Après un temps où elle pense que je suis seul sur la liste, elle revient pour « casser » l’ambiance en précisant que je suis bien N°3. Les chances sont minces.Et là, c’est l’attente….8h, 8h30, 9h, mes parents partent, il n’y a rien à faire. 10h, 10h30, je croise le Dr Cassuto, mon doc qui me suit depuis 15 ans.

Je propose de rentrer chez moi étant donné que personne a des infos. Après quelques mots sympathiques et quelques plaisanteries, on s’accorde pour qu’elle m’appelle quand il y a du nouveau. J’appelle un taxi qui passera me prendre et me ramènera chez moi. Il est 11h, je n’ai pas mangé depuis minuit, j’ai la dalle mais je ne peux même pas grignoter tant que je n’ai pas la réponse car si jamais il y a opération, je dois être à jeûn. Je résiste, tourne, vire. Et voilà, 12h, 13h…je patiente toujours. J’appelle Virginie, je fais un somme. J’attends, j’attends, j’attends…c’est long. Peu d’espoir pourtant, mais il y en a, alors je n’ai pas le droit de ne pas y croire. Je sais que je me prépare à une réponse négative sans pour autant le prévoir, la déception sera moindre. Mais je dois avouer que j’ai du mal à me préparer à une réponse positive. Quoique. Il est 14h25, j’écris ces lignes, le temps a rarement été aussi long. Ma mère va passer, je vais rappeler Virginie, Claire en attendant…

14h40. La réponse. Celle à laquelle on s’attend le moins. Cross Match positif, je ne suis finalement pas compatible. Je suis abattu. Je reste sur un sentiment spécial : avoir avancé vers la porte de sortie puis, au dernier moment, elle se referme sur moi. Coup dur, il faudra rebondir, mais ça j’ai l’habitude, je sais faire.

En conclusion et rapidement : j’ai eu la coordinatrice greffe le lendemain matin. Un appel que j’attendais et que je n’ai pas réussi à avoir l’après midi du 22 mars…seulement un interne me faisant passer le message suivant : « le greffon n’est pas pour vous, le cross match est positif. Je suis désolé, au revoir ». Pas le temps d’en placer une, pas le droit de parler au chef…Pt@%$arf !!@çe.. .
Quelques explications ( que j’attendais depuis la veille ) me permettent maintenant de faire le « deuil » de la situation et passer à autre chose. Le greffon est parti à Paris, chez un patient prioritaire. Il avait 1 mismatch (= incompatibilité ), j’en avais 3 mais en plus un cross match positif.
Enfin, je passe sur le manque de professionnalisme de ma clinique qui a oublié de me faire les analyses d’anticorps depuis juin 2010 : ce qui veut dire qu’entre aout 2010 et ce 22 mars 2011 je n’étais plus en priorité H3 ( priorité nationale ), autrement dit, peut-être que des greffons me sont passés sous le nez…Que faire ? Que dire ? Le minimum sera de pousser un coup de gueule à ceux qui me « soignent »…et là, c’est un message à tous les patients : ouvrez là, vous avez des droits, nous ne sommes pas des bêtes !

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Emmanuel • 23 mars 2011


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