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Le don de rein à un proche trop peu répandu en France

Tiré du Figaro.fr

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La réticence des chirurgiens français est difficile à vaincre.
Lorsque sa femme est rentrée d’un rendez-vous à l’hôpital et a mentionné pour la première fois la greffe issue de donneur vivant, Christian Baudelot, 66 ans, n’a pas eu à réfléchir «une seconde». «J’ai immédiatement proposé un de mes reins, car c’était une occasion inespérée d’éviter à ma femme – et donc à moi-même – une fin sinistre», raconte-t-il, huit ans après. Atteinte d’une maladie génétique qui avait lentement détruit ses reins, Olga venait d’atteindre le stade terminal. En attendant que son tour arrive de recevoir un organe prélevé sur un donneur mort, son existence serait dorénavant suspendue à d’éprouvantes séances de dialyse, au rythme de trois demi-journées par semaines.

C’est pour éviter d’être ainsi «assigné à résidence» et «réduit au statut d’aide-soignant malhabile» que Christian Baudelot s’est engagé dans le fastidieux parcours médical préalable à l’opération chirurgicale. Le 7 mars 2006, sa femme s’est réveillée avec un nouveau rein, un rein «idéal», comme l’a souligné son médecin, car l’organe s’est remis à fonctionner immédiatement. Pour ce couple qui partageait déjà tout depuis quarante ans, la vie commune a pu reprendre «comme avant» ou à peu près, compte tenu des effets secondaires liés à la prise du traitement antirejet.

La France, pionnière
Alors que la France connaît une pénurie de greffons, les associations de malades et les pouvoirs publics voient dans le don de rein par des personnes vivantes un très bon palliatif. Le geste est peu pratiqué en France: il représente 12 % des greffes, contre 38 % au Royaume-Uni, 45 % en Suède et 37 % aux États-Unis. «La situation n’est pas homogène sur le territoire: certaines équipes de transplantation en réalisent beaucoup, tandis que d’autres n’y ont jamais recours», souligne Yvanie Caillé, directrice générale de l’association Renaloo.

La réticence des chirurgiens français est difficile à vaincre. C’est pourtant à Paris, à l’hôpital Necker, que la première greffe de donneur vivant a été tentée, en 1952. Sa fin tragique (le receveur est mort trois semaines après la transplantation en raison d’un rejet du rein de sa mère) a sans doute marqué les esprits pour longtemps. Dans les années 1980, le décès d’un jeune donneur à la suite de complications opératoires a, à nouveau, traumatisé la communauté médicale. «Pour les chirurgiens, l’idée d’opérer une personne en parfaite santé peut sembler contre-nature», résume un médecin.

Une étude américaine a estimé à 0,02 % le risque de mort du donneur. Près d’un patient sur trois connaît au moins une complication après l’intervention et un quart conserve des séquelles quelques mois, surtout des douleurs physiques et de la fatigue. Le don peut ainsi avoir des répercussions négatives sur la vie professionnelle. À long terme, les volontaires sont toutefois «en excellente santé physique globale», comme l’a montré une enquête de l’Agence de biomédecine sur la qualité de vie après un don de rein. Selon Yvanie Caillé, «ils sont aussi très fiers et 98 % d’entre eux déclarent qu’ils seraient prêts à le refaire».

Des liens souvent renforcés
Pour le receveur, les avantages sont indéniables. «La greffe de donneur vivant est la meilleure des greffes: c’est celle qui marche le mieux et dure le plus longtemps», relève ainsi le Pr Maryvonne Hourmant, chef de service de néphrologie au CHU de Nantes. Il faut dire que les reins prélevés sont en parfait état, grâce à un processus de sélection drastique des donneurs. Statistiquement, on sait que la moitié des greffons de donneurs décédés a cessé de fonctionner au bout de treize ans, alors que cette durée est portée à vingt ans en cas de greffe de donneur vivant.

«Lorsque ma mère m’a proposé son rein, j’ai commencé par refuser car j’avais trop peur pour elle, mais elle a tout fait pour me convaincre, témoigne Bruno Durand-Vital, greffé à l’âge de 33 ans. Avec le recul, je pense que cela l’a libérée d’un poids. Avoir un enfant malade était très dur pour elle.» L’enquête menée à Nantes met en évidence l’impact psychologique du don, qui colore d’une autre manière les relations entre donneur et receveur. Le lien se trouve souvent renforcé. «Donner un de ses organes est tout sauf anodin. Les conséquences peuvent être très lourdes», tempère le Dr Brigitte Lantz, néphrologue, citant en exemple la détresse et la culpabilité d’une receveuse après le rejet du rein de sa sœur. Un sentiment de dette, parfois oppressant, peut aussi être présent.

Ces questions éthiques pèsent dans le débat. D’autant que le cercle des donneurs, jusqu’alors limité à la famille et aux conjoints, a été élargi par la loi bioéthique de 2011. Un proche justifiant d’un lien affectif et stable depuis au moins deux ans avec le malade peut désormais se porter candidat. Le dossier est validé par le tribunal de grande instance. Les associations prônent une sensibilisation des Français à cette question, mais aussi une éducation thérapeutique des insuffisants rénaux. Dans sa pratique clinique, le Pr Hourmant constate en effet que «le blocage vient le plus souvent du receveur».

• 19 juin 2013


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