Montagnes d'espoir, le blog d'Annelise

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Don d’organes. « Pour ou contre, il faut en parler à ses proches »

À 42 ans, Marc Bazoge, habitant d’Urou-et-Crennes, est greffé du foie. Il a décidé de parler de son vécu et de son quotidien via des interventions dans les écoles et de s’engager dans l’association pour le don d’organes et de tissus humains (France Adot 14).
Marc Bazoge a une vie plutôt bien remplie. Rien, ou presque, ne le distingue. Si ce n’est sa greffe du foie il y a trois. Une transplantation qui lui a sauvé la vie.

Pourquoi avez-vous dû subir une greffe du foie à 39 ans ?
Je suis né avec une malformation au niveau du foie. Depuis tout petit, je savais que ce serait compliqué. Sauf qu’à l’époque, dans les années 70, il n’y avait pas de greffes du foie en France. C’est arrivé bien plus tard.

Enfant, j’ai eu des opérations de maintien, qui ont fonctionné. Normalement, ça n’aurait dû tenir que quelques années mais pour moi ça a tenu très longtemps. Et tant mieux car, arrivé à l’âge adulte, on pouvait faire des greffes. Et j’arrivais à un stade où j’étais très fatigué. Mon foie était arrivé en bout de course. Il était trop fatigué.

Il a donc fallu penser à la greffe. Était-ce un choix qui allait de soi ?
Tout le monde me disait que je devais passer par la greffe mais je ne voulais pas. Je pensais que la greffe était un peu la roulette russe. Mais, en fait, j’étais à un stade où je n’avais plus le choix. Finalement, j’ai dit OK. Et le processus a été lancé.

Une semaine d’examens médicaux, avec check-up complet, et c’est parti. Puis, on entre dans une liste d’attente, avec un numéro Cristal que l’on ne connaît pas et qui est attribué par l’Agence de biomédecine. Les gens déjà greffés et les enfants sont prioritaires.

J’ai été appelé au bout de six mois. Un coup de fil, un matin. J’étais dans ma cuisine. À partir de ce moment, j’avais une douzaine d’heures pour me rendre à l’hôpital, en région parisienne.

Comment appréhende-t-on ce moment ?
C’est compliqué. J’ai stressé pendant six mois et puis, en fin de compte, quand ils appellent, ça va super vite. J’ai appelé ma femme, puis l’ambulance. À Paris, on est pris en charge totalement. On doit prendre plusieurs douches à la Bétadine. Il y a un tas de choses. On est amenés au bloc. On s’endort. Puis voilà.

Combien de temps dure la transplantation ?
La première opération a duré entre 7 et 8 heures. Les médecins ont rapidement vu qu’il y avait un problème. J’ai fait une thrombose : une veine s’était pliée. Ils m’ont réopéré le lendemain pour essayer de la remettre. Ça n’a pas marché. J’ai donc eu un rejet total. Dans les 48 heures, il me fallait un nouveau greffon, sinon c’était terminé.

Et là, tout s’accélère ?
Je suis entré sur une autre liste. Que l’on appelle de super-urgence nationale. Là, on est prioritaires, quoi qu’il arrive. Avec les opérations, j’avais perdu l’usage de la parole. On subit. On attend. On croise les doigts. C’était très dur.

Et je dirais même que c’est plus compliqué pour la famille que pour le patient. Dans mon cas, c’était plus dur d’imaginer ce qui allait arriver si ça ne marchait pas pour les autres que pour moi.

J’avais ma femme et ma mère avec moi. C’était les deux seules personnes qui étaient autorisées à entrer dans la chambre. Parce que c’est très confiné. Tout doit être stérilisé.

Et finalement, au bout des 48 heures ?
J’ai eu de la chance, ils ont trouvé un greffon. Donc, j’ai subi une deuxième transplantation quatre jours après la première. Qui s’est bien passé.

Même si j’ai eu d’autres complications par la suite : sur les deux mois où je suis resté à l’hopital, j’avais une complication différente tous les deux jours. Dues aux moindres microbes qui traînent dans l’air, à des difficultés de cicatrisations, aux opérations en tant que telles…

Au jour d’aujourd’hui, quel est votre quotidien ?
Je suis parti d’une base fragile. Je n’ai pas eu une greffe classique. Il faut savoir qu’un greffé est en perpétuel rejet. Parce que le corps n’acceptera jamais l’organe qui n’est pas d’origine. On prend un traitement à vie.

J’ai un état de fatigue permanent. J’ai toujours travaillé avant et après la transplantation. Mais aujourd’hui, je ne peux plus travailler à temps plein. Mais ce n’est pas le cas pour tous les greffés. Certains travaillent à temps plein trois mois après l’opération. Il n’y a pas de règles.

Aujourd’hui, je vis bien. Je suis Monsieur tout le monde dans la rue, ça ne se voit pas. Tout le monde est au courant. J’en parle facilement.

Je suis content d’avoir été greffé il y a plus de trois ans maintenant. Mon greffon, je ne sais combien de temps il durera. On n’a pas suffisamment de recul là-dessus. On a dépassé les 20 ans pour une greffe du foie en France. Donc, j’ai bon espoir. Sans la greffe, je ne serai pas là aujourd’hui. Sans le don de quelqu’un, je ne vivrai plus. Le don d’organes, c’est ça le principe, on compte sur ça pour que les gens continuent à vivre. Pour ou contre, il faut surtout en parler avec ses proches.

Propos recueillis par Christopher LEBRANCHU

• 7 mai 2017


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