Une machine pour soigner les poumons avant une greffe
La start-up canadienne XOR Labs, qui l’a conçue, espère étendre son utilisation aux reins.
Toronto est l’une des capitales mondiales de la transplantation pulmonaire. Ce n’est donc pas étonnant qu’une start-up, XOR Labs, cherche à développer là une machine compacte permettant de conserver des poumons sous cloche pendant plusieurs heures avant qu’ils soient implantés. L’idée n’est pas complètement nouvelle. La technique baptisée EVLP (ex vivo lungs perfusion) est développée au Canada depuis une quinzaine d’années pour donner aux médecins le temps de «soigner» les greffons avant leur transplantation. En sept ans, plus de 200 transplantations pulmonaires ont été réalisées par les équipes du Dr Shaf Keshavjee, directeur scientifique de XOR Labs, avec un système comparable mais bien plus volumineux (l’équivalent d’une salle entière).
«Aujourd’hui, 85 % des poumons que l’on peut récupérer sur des patients en état de mort cérébrale partent à la poubelle, explique Jon Rogers, directeur général opérationnel de la petite structure. Nous pouvons doubler, voire tripler, le nombre de greffons disponibles avec cette technique.» En France, 159 personnes attendaient une greffe de poumons en raison des pénuries chroniques d’organes en 2016. À l’hôpital Foch à Suresnes, cette technique canadienne est testée depuis plusieurs années. «Le bénéfice est réel, même s’il est plus limité qu’annoncé», estime le Pr Édouard Sage. «Cela permet d’augmenter de 15 à 20 % le nombre de greffons, ce qui est déjà énorme (371 bénéficiaires en 2016, NDLR). On peut guérir les œdèmes notamment. Mais pour ce qui est des pathologies plus graves, il faudrait beaucoup plus de temps.»
XOR Labs estime que son dispositif permettrait de réduire de 80.000 dollars le coût systémique d’une transplantation au Canada. «Les organes sont en meilleure santé, ce qui permet de limiter le nombre de jours d’hospitalisations par exemple», explique Jon Rogers. Il faudrait démontrer que les bénéfices de la technique compensent son surcoût pour que l’assurance-maladie envisage de la rembourser en France. XOR Labs pense vendre son «chariot» environ 400.000 dollars, auxquels s’ajoutent 30.000 dollars de «consommables» par opération.
Utilisation détournée
La start-up canadienne n’est pas seule dans ce secteur. Xvivo Perfusion, des Suédois, commercialise déjà un chariot de ce type. Une entreprise, d’ailleurs, conseillée au début des années 2000 par le Dr Shaf Keshavjee. Les Américains Transmedics commercialisent de leur côté un dispositif portable similaire destiné à récupérer l’organe et à le transporter. Pas beaucoup plus efficace qu’une glacière, mais beaucoup plus cher, ironisent néanmoins les spécialistes…
XOR Labs mise sur la réputation de l’école de Toronto pour exporter le dispositif. L’entreprise envisage d’ores et déjà de se diversifier en adaptant le principe aux reins. Et en validant une utilisation détournée pour réaliser des autogreffes. «Techniquement, il serait possible d’isoler l’un des poumons d’un patient cancéreux, de lui administrer une intense chimiothérapie avant de le réimplanter», détaille Édouard Sage. Mais les essais cliniques restent à faire.
Le chariot de XOR Labs n’arrivera pas sur le marché avant deux ans. Et ses utilisations dérivées ne seront pas autorisées avant au moins cinq ans. Et uniquement si la compagnie lève les 10 millions de dollars nécessaires pour financer ces travaux.
Publié sur Le Figaro le 03/05/2017