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Insuffisance rénale : Ces pathologies méconnues concernent deux à trois millions de personnes en France, dont 71 000 sont en phase terminale, 38 000 dialysées et 33 000 greffées

Une annonce souvent extrêmement brutale de leur maladie. Des effets dévastateurs sur la vie dans toutes ses dimensions. Un manque d’écoute du corps médical et un déficit d’informations concernant les modalités de traitement, en particulier les possibilités de greffe à partir d’un donneur vivant. Les patients atteints d’insuffisance rénale lancent un cri d’alarme, à travers une enquête nationale d’ampleur inédite dont nous révélons les premiers résultats.

Bien moins médiatisées que les cancers ou le sida, les maladies rénales chroniques – qui relèvent de nombreuses causes – ont en commun d’aboutir à une destruction de la fonction d’épuration de ces organes vitaux, nécessitant une suppléance par dialyse ou un remplacement par une transplantation. Ces pathologies méconnues concernent deux à trois millions de personnes en France, dont 71 000 sont en phase terminale, 38 000 dialysées et 33 000 greffées.

ASSOCIATION DE PATIENTS

L’enquête, à laquelle ont participé près de 8 600 patients, est l’un des principaux volets des états généraux du rein, qui réunissent depuis début 2012 tous les acteurs impliqués dans les maladies rénales : associations de malades, professionnels, hôpitaux, institutions, industriels… A l’initiative de ce travail de fond qui durera au total dix-huit mois, une association de patients, Renaloo, née sur Internet en 2002. Ces états généraux ont permis de définir une liste de thématiques essentielles qui ont été approfondies lors de tables rondes (www.renaloo.com). Un colloque de clôture est prévu le 17 juin au ministère de la santé, à Paris, où seront présentées des propositions concrètes pour améliorer la vie des malades.

Elaborée collectivement, l’enquête est fondée sur un questionnaire très complet, comportant 64 questions dont l’une, ouverte, invitait les patients à s’exprimer en toute liberté et de façon anonyme. Plus de 7 000 malades dialysés ou greffés et près de 2 000 patients en amont de la phase d’insuffisance rénale terminale ont répondu.

« C’est une très forte mobilisation, puisque 10 % des personnes dialysées et greffées ont participé, précise le sociologue Christian Baudelot, l’une des chevilles ouvrières des états généraux, qui a donné un rein à sa femme en 2006. Et cet échantillon est représentatif – sur les grandes variables comme l’âge, le sexe et le taux d’activité professionnelle – de la population des malades en insuffisance rénale terminale. »

UN VÉRITABLE CRI DE DÉTRESSE

Si des études ont déjà souligné l’impact majeur de l’insuffisance rénale sur la qualité de vie, cette enquête résonne comme un véritable cri de détresse. Les résultats sont édifiants, à tous les niveaux. A commencer par l’annonce de la maladie, parfois effectuée sans aucune diplomatie. « Je suis le docteur X, néphrologue de garde (…). Vous avez une insuffisance rénale chronique en stade terminal, vos reins sont morts. On va vous mettre d’urgence sous dialyse », s’est ainsi vu annoncer un patient aux urgences, d’autant plus abasourdi qu’il ne se savait pas malade des reins et qu’il ne connaissait même pas le terme de néphrologue.

Mais c’est au long cours que ces maladies sont usantes, constate l’enquête. Moins d’un malade sur deux a le sentiment de mener une vie normale, et la même proportion déclare être « souvent ou en permanence fatigué ».

La dialyse implique de nombreuses contraintes : de temps surtout, c’est souvent quatre à cinq heures tous les deux jours. « Il y a une vraie dépendance à la machine, une emprise », constate Yvanie Caillé, fondatrice de Renaloo, greffée à l’âge de 29 ans.

Les conséquences sont également redoutables sur le plan professionnel. Beaucoup n’osent pas en parler à leur employeur et prennent des RTT pour se faire soigner. Certains relatent des pertes d’emploi, à l’instar de cette femme dialysée de 33 ans qui a perdu sa société après deux ans de maladie. Son revenu a chuté de 2 500 euros nets par mois à 650 euros. En moyenne, le taux d’activité professionnelle entre 25 et 49 ans est de moins de 60 % chez les patients en insuffisance rénale terminale contre 90 % dans la population générale. Une proportion du même ordre que celle des personnes séropositives pour le VIH.

Le retentissement peut être aussi terrible sur le plan familial et personnel. Plusieurs patients relatent des relations de couple difficiles, des séparations. « Les copains se dispersent, ce ne seront plus jamais des relations normales », résume un dialysé. Ils sont aussi nombreux à pointer les difficultés, voire l’impossibilité d’accès à des prêts et des assurances, une situation vécue comme une « double peine », une « discrimination ».

Quant à la prise en charge, l’enquête est unanime : la greffe est le meilleur traitement de l’insuffisance rénale chronique, et ce à tous les niveaux. « L’immense majorité des patients partage ce point de vue, qu’ils soient transplantés ou encore dialysés », explique Christian Baudelot. Ainsi, l’indice de bien-être répartit la population en quatre groupes égaux par ordre croissant de bien-être. Quarante-quatre pour cent des greffés se situent dans le quart le plus favorisé, contre 19 % seulement des dialysés. Parallèlement, le taux d’activité de 25 à 60 ans atteint 64 % chez les greffés, 33 % pour les dialysés. Ces dernières années, d’autres études avaient démontré l’avantage des transplantations, tant en termes de qualité de vie que de finances pour la collectivité.

Pourtant, en France, seulement 12 000 malades sur les 38 000 dialysés sont inscrits sur une liste d’attente, soit un tiers, contre 70 % en Norvège. Les inégalités sont fortes entre les régions. Certains néphrologues n’inscrivent pas systématiquement leurs patients sur les listes d’attente. Certains ignorent même la possibilité d’être greffés à partir d’un donneur vivant. « Il aura fallu attendre trois ou quatre ans pour que l’on me parle du don d’organe d’une personne vivante, cela aurait pu m’éviter la dialyse », regrette un participant à l’enquête.

Un accès inégal à la greffe rénale en France
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Ces disparités s’expliquent par le lieu et le mode d’exercice du néphrologue. Sa culture aussi. « Les néphrologues ne sont pas totalement transparents sur leurs pratiques et sur ce qui existe dans d’autres régions, d’autres centres », regrette un praticien. « Le choix des patients n’est donc souvent ni libre ni éclairé », dénonce Christian Baudelot.

Les patients interrogés déplorent un manque d’information sur la greffe mais aussi sur les traitements, l’alimentation, l’impact du sport… « Il faudrait expliquer comment ne pas avoir une conduite de vie qui endommage les reins », recommande cette femme.

« Les néphrologues évoquent rarement la qualité de vie. En tant que patients, on peut être hanté par ce déni, relève Yvanie Caillé. On constate un très grand retard par rapport à ce qui existe dans d’autres pathologies comme le cancer ou le sida. Les soins de support n’existent pas en néphrologie. Le patient n’est pas acteur, comme dans d’autres maladies, les associations de malades sont moins présentes et moins homogènes. »

Pour l’une des patientes qui s’est exprimée, « il manque un accompagnement global, il n’y a pas de groupe de parole, pas de listes tenues par l’hôpital de personnes avec qui échanger, pas d’éducation thérapeutique. (…) J’aimerais que mes interlocuteurs médicaux m’entendent comme une personne dans sa globalité et pas seulement comme une porteuse de greffon ».

Mais au-delà du catalogue de doléances, beaucoup font des propositions concrètes : informations plus claires sur les possibilités thérapeutiques, davantage de souplesse dans l’organisation des dialyses, mise en place d’un parcours de soins avec des consultations pluridisciplinaires, comme pour les cancers. Reste à savoir si elles seront entendues par les pouvoirs publics lors de la clôture des états généraux, le 17 juin.
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• 3 avril 2016


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