A 37 ans, la Nivernaise Sophie Autran a vécu deux greffes de cœur
Article tiré du Journal du Centre du 18 septembre 2015 écrit pas Sébastien Chabard
Son rire est joyeux et sonore, sa vitalité incassable. Pourtant, à 12 ans puis à 34, Sophie Autran a reçu un nouveau cœur. Deux greffes pour survivre et rêver d’une vie normale, coûte que coûte.
Elle vide le petit sac bien tassé sur la table de la cuisine. Une dizaine de boîtes s’éparpillent : « Anti-rejets – à vie -, cortisone, fluidifiant pour le sang, anti-hypertenseur, anti-cholestérol et antibiotiques, en préventif. Ah, et l’insuline pour le diabète dû à la cortisone ».
Sophie Autran énumère en souriant ses comprimés et gélules, rendez-vous obligés de ses matins et soirs. Pas une corvée, juste « une habitude ». À 37 ans, la benjamine – et de loin – des adhérents du club Cœur et Santé vit déjà depuis un quart de siècle le quotidien médicamenteux des greffés du cœur. C’est déjà le troisième qui palpite dans sa poitrine.
1 « Essoufflée ». Enfant, à Saint-Éloi, Sophie Thissier – son nom de jeune fille – n’aimait pas les jeux où il fallait courir. « J’avais une petite constitution, je n’étais pas très sportive. » Au collège des Courlis, à Nevers, les cours d’EPS deviennent vite un calvaire : « J’étais toujours essoufflée ». Le médecin de famille « entend quelque chose au niveau du cœur ». Le cardiologue de l’hôpital confirme « que quelque chose ne va pas », et l’envoie à l’hôpital Necker (Paris), chez un confrère : « Il a identifié tout de suite ». Il envoie ses 12 ans dans la salle d’attente, annonce le diagnostic-verdict aux parents. À eux de faire le « sale » boulot, un peu plus tard : « Ma mère, infirmière, m’a expliqué que j’avais une cardiomyopathie ; c’est le muscle cardiaque qui se contracte mal. Il n’y a pas de traitement. Qu’une solution, la greffe ». Au début, pour ne pas l’affoler, sa mère évoque une simple « opération ». En quelques mois, l’état du cœur se dégrade, il faut sortir le mot : « Quand elle a dit greffe, j’ai pleuré. Mais elle a trouvé les mots pour me rassurer ». Le 29 décembre 1990, quand elle part pour la transplantation, elle n’a qu’une peur : « Redoubler ».
2 « Un nouveau souffle ». Sophie passe en 4 e, bonne élève, toujours, couvée par les camarades de classe. Heureuse de « redevenir comme les autres ». Ou presque. Les terreurs, la mort suspendue, tout s’enfouit : « Il n’y a eu aucune prise en charge psychologique. Si j’avais fait une thérapie, à l’époque, tout aurait dû sortir. Du coup, j’ai pété un câble à 20 ans ».
La future orthophoniste craque pendant sa troisième année d’école, à Tours. Tentatives de suicide, anti-rejets arrêtés pour se faire péter le cœur (et presque y parvenir), hospitalisations en série : « Il m’a fallu trois ans pour en sortir ». La remontée est lente. Finie l’orthophonie, remplacée par un diplôme de secrétaire décroché dans un centre pour travailleurs handicapés, dans l’Allier. « Une période pas facile », euphémise-t-elle.
La rencontre avec son futur mari, Sébastien Autran, il y a dix ans, est un baume. Installée avec lui à Decize, elle obtient un poste d’employée de vie scolaire à l’école de Saint-Léger-des-Vignes. S’épanouit, s’y révèle. Jusqu’en 2008 : une sortie avec les élèves, l’essoufflement, encore. « J’ai d’abord cru que c’était la fatigue. » Quelques mois plus tard, elle consulte à Paris. On lui parle « vieillissement du greffon », « rejet chronique ». Il faut greffer, encore.
3 Bien accroché. Placée sur liste d’attente en novembre 2008, Sophie Autran passe trois ans à « vivoter », à voir ses forces s’amenuiser : « J’étais comme une petite grand-mère. J’en voulais à la terre entière ». Elle découvre les cours de C’ur et Santé, s’y accroche : « Ça me faisait sortir de chez moi, j’avais une vie sociale. Et les cours étaient très bien adaptés ».
Après deux montées infructueuses à Paris (« le greffon s’était détérioré pendant le transport »), le 4 juin 2012 est celui de sa troisième naissance. La seconde transplantation s’est « très bien passée ». Et avec elle, le rêve revenu d’une vie à cœur reposé, léger. À la rentrée 2014, la Ville de Decize l’embauche comme animatrice TAP (temps d’activités périscolaires : « J’appréhendais la fatigue, mais ça me fait du bien. Maintenant, je veux avoir la vie la plus normale possible ». Enfin.