A quand la dialyse à domicile ?
Tiré du Parisien du 02 MARS 2016
Des patients insuffisants rénaux s’insurgent. Ils ne peuvent pas bénéficier, alors que la technique existe, de soins à domicile. A peine 7 % des malades y ont droit…
La dialyse à la maison, si je veux ? En France, pas vraiment. Si peu qu’à quelques jours de la semaine nationale dédiée aux maladies rénales (du 5 au 12 mars) et la Journée mondiale du rein (le 10 mars) l’association de patients Renaloo tape du poing sur la table.
Avec le soutien du député PS et rapporteur du budget de la Sécurité sociale Gérard Bapt, qui en a alerté par courrier la ministre de la Santé hier. Alors que la technique existe, que son choix devrait s’offrir aux insuffisants rénaux qui doivent leur survie à l’assistance régulière et pendant plusieurs heures d’une machine pour filtrer leur sang, ils ne sont que très peu à pouvoir en bénéficier.
Tandis que le taux de dialyse en centres augmente, celui des dialyses à domicile baisse et atteint à peine 7 %, quand un quart des malades en bénéficient aux Pays-Bas ou en Grande-Bretagne. Aberrant, « alors que le gouvernement incite à plus de soins ambulatoires », juge le député.
« C’est qu’il faut en abattre des obstacles pour y avoir droit ! » gronde Odile. Astreinte à la dialyse depuis vingt-huit ans, l’énergique quadragénaire, qui anime la Fédération nationale d’aide aux insuffisants rénaux (Fnair) en Ile-de-France, revit depuis ce mois de février. Fini les trajets trois fois par semaine — « et les 5 000 € de transport annuels que cela coûtait à la Sécu » —, les quatre heures captives en centre de dialyse. « J’ai tout testé, même la dialyse de nuit, dans le centre du XIe arrondissement à Paris (NDLR : le seul de toute l’Ile-de-France qui propose la dialyse de nuit, avec une grosse liste d’attente) », sourit-elle. Désormais, c’est seule maîtresse à bord, chez elle, qu’elle est dialysée, « toutes les fins de soirée sauf le dimanche » ! Et deux heures beaucoup moins contraignantes : « J’organise mes activités dans la journée. Quand je me branche, je lis mes mails, j’écoute de la musique… Plus qu’une liberté ! »
Certes, « il faut être sérieux et autonome, avoir un peu de place pour le matériel. Ça ne peut sans doute pas convenir à tout le monde ». Il lui a aussi fallu se former : en se rendant tous les jours depuis novembre de Mantes (Yvelines) à l’hôpital Tenon (AP-HP), à Paris, l’un des rares centres qui apprenne la technique aux malades. Encore fallait-il surtout savoir que l’option existe. « Les patients doivent avoir le choix des modalités de dialyse, adaptées à leur vie et à leur autonomie », insiste Yvanie Caillé, fondatrice et directrice de Renaloo, association de patients née « modeste » communauté Internet en 2002 et qui draine désormais 20 000 malades et leurs proches chaque mois. A côté d’une Odile hyperinformée, la majorité des patients n’a pas le choix. Selon le sondage réalisé par Renaloo sur Internet « soit auprès d’une population plutôt plus jeune, plus diplômée et plus au fait », un patient sur deux parmi les 1 038 répondants s’estime mal ou pas informé de la dialyse à la maison, un sur trois souhaiterait l’essayer. Un dialysé sur deux estime d’ailleurs n’avoir pas participé au choix de son traitement, et 55 % des sondés ne savent pas ou peu qu’ils pourraient être greffés sans passer par la dialyse : une stratégie de traitement pourtant plus efficace et recommandée par la Haute Autorité de santé (HAS).
Quarante-deux pour cent de ces dialysés, qui dépendent de la décision, jugée trop opaque, de leur prescripteur, ne sont même pas sur la liste d’attente du registre national des greffes, alors que la HAS recommande d’y inscrire les malades avant que leurs reins ne cessent de fonctionner totalement. Pourquoi tant d’obstacles ? « Le monde des néphrologues s’approprie des patients », soupire Odile. « Résistances corporatistes et lucratives », résume Gérard Bapt, appuyant le constat de la Cour des comptes à l’automne. La dialyse, en centre, ça rapporte : 6 000 € par patient et par an. Au détriment des comptes de la Sécurité sociale, et de la meilleure option de soins et de vie du patient.