Insuffisance rénale, continuons d’en parler
Moins médiatisées que les cancers ou le VIH, longtemps silencieuses, les maladies rénales sont pourtant dévastatrices dans leurs effets, extrêmement coûteuses et très inégalitaires dans leurs thérapeutiques.
Environ 2 à 3 millions de français sont concernés, soit par le risque de développer une maladie rénale, soit par une insuffisance rénale légère, modérée ou sévère. La survie d’une partie d’entre eux, dont les reins ne fonctionnent plus, repose sur des « techniques de suppléance » : la greffe ou la dialyse.
Ils sont actuellement 71 000, soit plus d’un Français sur 1000, parmi lesquels 33 000 sont greffés (45%) et 38 000 dialysés (55%). A ce stade, dit « terminal », les effets des maladies rénales sur les personnes qu’elles touchent deviennent ravageurs.
C’est justement à l’initiative des malades que les Etats Généraux du Rein ont vu le jour.
Un objectif : Améliorer leur prise en charge et leur vie.
Un moyen d’y parvenir : rassembler très largement tous les acteurs, médecins, soignants, établissements, experts en santé publique et économie de la santé, agences sanitaires et institutions, et, bien entendu, les patients, leurs proches et leurs associations…
Marisol Touraine a indiqué que les EGR ont été des plus beaux exemples de démocratie sanitaire en France. De fait, ils ont rassemblé très largement, toutes les parties prenantes, dans un climat de sérénité des débats et de respect mutuel rarement observé. Le dialogue qui s’est instauré, notamment entre patients et professionnels, dans une relation d’équilibre et d’écoute respective, a été une véritable découverte et un enrichissement majeur.
Au fil de ces mois de travaux, l’importance des progrès à accomplir est devenue une évidence.
La prise en charge de l’insuffisance rénale en France est caractérisée par des difficultés majeures :
– De très importantes disparités, géographiques et sociales, dans l’accès aux différents traitements,
– une fréquence très élevée de dialyse en urgence (34%),
– une orientation de première intention, pour plus de 80 % des patients, vers la dialyse non autonome, traitement le plus douloureux et le plus coûteux,
– des freins majeurs dans l’accès à la greffe, qui améliore pourtant de manière drastique qualité et espérance de vie, tout en permettant de considérables économies de santé, avec un retard important de la France sur beaucoup d’autres pays d’Europe dans ce domaine. Si dialyse et greffe sont des traitements complémentaires, qu’il ne s’agit en aucun cas d’opposer, la question de l’efficience de l’orientation entre l’un et l’autre se pose néanmoins,
– une information imparfaite des patients, une absence de libre choix et de participation aux décisions médicales qui les concernent,
– des parcours chaotiques, peu coordonnés, très dépendants des expertises et du mode d’exercice du néphrologue, mais aussi du lieu et de la région de prise en charge, qui ont comme corollaires des pertes de chances, des soins inappropriés, non nécessaires ou insuffisants, donnant lieu au financement de pratiques inutiles.
L’enquête des EGR a aussi montré l’ampleur de l’impact psychologique des maladies rénales. La nécessité d’un soutien et d’une écoute de la part des soignants, et plus généralement d’une prise en compte plus globale des effets de ces maladies sur les personnes et leur existence, s’impose avec force, à tous les stades de la maladie. Les malades réclament plus d’écoute, plus d’empathie, plus d’accompagnement de la part de l’ensemble des professionnels de santé qui s’occupent d’eux, ainsi qu’une prise en compte de leur qualité de vie, au même titre que la qualité des soins. Ils dénoncent l’insuffisance de prise en charge de la douleur, pourtant extrêmement fréquente. Ils déplorent le déficit d’accès à un soutien psychologique et à des soins de support (accompagnement social, diététique, etc.).
Au plan socio-professionnel, les personnes traitées par dialyse sont confrontées à de profondes difficultés d’accès et de maintien dans l’emploi, souvent liés à une logique du soin qui se heurte à celle du travail, avec des pertes de revenus, un appauvrissement, une désocialisation, d’immenses obstacles à la réalisation de projets (impossibilité très fréquente d’accès à l’assurance emprunteur).
Durant ces dix-huit mois de travaux, de débats, de construction collective et d’enthousiasmes partagés, des constats alarmants ont été dressés, mais de nombreuses pistes d’amélioration, souvent très innovantes, se sont aussi dessinées. Elles sont de nature à faire de la prise en charge des maladies rénales un modèle dans le champ des pathologies chroniques.
Les espoirs des personnes malades sont immenses.
Il appartient désormais à toutes les parties prenantes et aux pouvoirs publics de relever le défi et de les transformer en réalités. Nous poursuivrons l’élan des Etats Généraux du Rein autant qu’il le faudra pour y parvenir !