Ressenti de ma soeur
Lettre ouverte à ma sœur sur mon ressenti de sœur de malade !
Tu as parlé sur ton blog de ton ressenti, à mon tour de te faire partager le mien !
Quand j’ai reçu l’appel des parents qui m’annonçaient que tes analyses de sang étaient très mauvaises et que tu étais partie direct à l’hôpital, ça m’a fait un petit choc, mais je me suis dis, bah, ils vont la soigner à l’hôpital, elle est entre de bonnes mains ça va aller vite. Puis le diagnostic est tombé : deux reins atrophiés de façon irréversible, il va falloir dialyser…
Et là, n’y connaissant rien du tout, je me suis dis : dialyse en attente de greffe = mort. Heureusement pour moi, j’avais archi tort ! Quand on n’y connait rien et qu’on est mal informé (et qu’on est, en prime, un peu stressé de nature comme moi), on a tendance à dramatiser la situation.
Je n’y connaissais rien, alors je voulais tout savoir, et tout de suite. Alors je t’appelais, pour que tu m’expliques tout ce que je ne savais pas, que tu me dises exactement ce qui ce passait chez toi. Je voulais assouvir par les connaissances la souffrance et la peur que j’éprouvais pour toi, de te savoir malade. Et quand je t’appelais, tu m’envoyer bouler (oui je sais, on a des caractères explosifs toutes les deux, ça aide pas !!), et je ne comprenais pas pourquoi tu ne voulais pas de mon amour, je le prenais comme un rejet de ta part… et avec le recul (je sais, j’ai mis un peu de temps et quelques larmes avant de reculer suffisamment), j’ai compris que tu avais besoin d’air, que tu étais la première à souffrir de tout ça, la première à attendre les résultats, les diagnostics et les solutions à apporter par les médecins.
Alors j’ai fini par espacer mes appels, pour te laisser le temps, à toi aussi, d’assimiler ce lot de nouvelles si dures à accepter.
Je crois que c’est la première fois que je t’ai envoyé un SMS pour te dire « je t’aime » ! Je t’envoyais souvent des SMS, et tu me rappelais quand tu étais prête. Quelle joie pour moi quand tu me rappelais ! Je me disais ouf, elle n’est pas fâchée que je sois si maladroite ! J’ai mis le temps à comprendre que tu n’avais jamais été fâchée, mais juste que ça devait être lourd pour toi de raconter toujours tes problèmes à tous ceux qui t’appelaient… tu devais avoir envie de souffler, de parler d’autre chose que de ta maladie…
Alors j’ai attendu, attendu que tu sois prête à en parler avec moi. Quand tu m’en parlais, on en parlait, et ça m’a fait beaucoup de bien. Puis, d’un coup, tu changeais de sujet, ce qui voulait dire « stop, on n’en parle plus pour aujourd’hui », alors je respectais, et on passait à autre chose, mais j’étais contente, on avait « échangé » sur ta maladie, et j’avais appris !
Tout ça, on peut le mettre au présent car, d’un accord tacite, on fonctionne comme ça aujourd’hui encore, et ça me va ! Quand on en parle, on en parle ! Quand tu changes de sujet, je comprends et on passe vite à quelque chose de distrayant, de marrant !
J’ai appris à lire entre les lignes ce que tu ne me disais pas pour ne pas me blesser, à savoir « arrêtes de parler de ça, ça me soûle maintenant ». Je comprends, juste à l’intonation de ta voix, que « ça suffit pour le moment, on reparlera du reste plus tard ». Je te respecte et je te comprends, et je change vite de sujet et m’empresse de te raconter un petit truc marrant pour nous détendre toutes les deux !
Ensuite, tu es passée rapidement en dialyse. Encore une étape médicale non connue pour moi, et donc inconnu = peur. Puis on a parlé, j’ai appris et j’ai un peu dédramatisé.
Je me disais (et je me le répète encore chaque jour !) « ma sœur est forte, solide comme un roc, on ne dirait même pas qu’elle est malade ! ».
Jamais je ne t’ai entendue te plaindre ni de ta situation, ni de la douleur, ni de quoi que ce soit d’autre. Tu es un exemple pour tous les malades, tu ne baisses pas les bras, et tu te bats avec beaucoup de force ! Un vrai soldat qui gagne toutes les guerres ! Je suis tellement fière de toi ! Plusieurs fois j’ai pensé « si c’était moi, je ne suis pas sûre que je serai aussi forte… », mais en tout cas, une chose est sûre, j’aurais une super sœur pour m’épauler !
Ensuite, on a vécu la contrainte de la dialyse chaque jour. Je me disais « mince, elle ne peut pas avoir une vie normale, elle est bloquée chez elle chaque soir… ».
Avec Bruno, on a pris la décision de se marier (ceci n’ayant aucun rapport avec la maladie). Je voulais te prendre comme témoin, mais maman m’a dit « avec la dialyse, elle pourra difficilement aller chez toi à Paris ». alors Bruno a pris Fred comme témoin, et on s’est dit que lui, de toute façon, pourrait venir à notre mariage et te rapporter des souvenirs. Intérieurement, je pensais « Elle s’arrangera pour venir, j’en suis sûre. Mais je voudrais tellement qu’elle ne puisse pas venir parce qu’elle a été greffée ! ». Et je me le suis répétée régulièrement, comme un mantra ! « Je serais tellement heureuse qu’elle ne puisse pas venir à notre mariage pour être greffée ! ». S’il y a une haute autorité là-haut, quelqu’un m’a exaucée !!
Une semaine avant mon mariage, il y a eu ce coup de fil de ta part, un samedi midi, vers 12h45, sur mon portable, en double appel, j’étais devant chez moi, presque arrivée, mes courses du marché à la main, au téléphone avec les parents : toi, hyper stressée « c’est toi qui est en ligne avec les parents ? Raccroches, faut que je leur parle vite. ». Bon c’était carrément un ordre, y’avait pas à discuter, t’as même pas pensé à me dire bonjour ! J’ai compris tout de suite que c’était L’APPEL tant attendu, et que tu voulais l’annoncer aux parents.
Tu les as prévenus, je suis montée vite chez moi pour attendre ton appel. Ce sont finalement les parents qui m’ont prévenue, car tu devais te préparer à partir vite pour hôpital. J’étais émue, triste, excitée, paniquée, et j’en passe, tout ça à la fois ! Maman a eu beau me dire, ne la rappelle pas, elle est pressée, je t’ai appelée quand même, je voulais t’avoir à tout prix avant que tu partes ! Et puis une fois encore, je voulais tout savoir, tout de suite ! Comment ça allait se passer, combien de temps, quand exactement, tout ça quoi ! Et puis tu m’as expliqué qu’il ne fallait pas s’emballer, que le greffon ne serait peut être pas pour toi. Ah bon ? ben pourquoi ils t’appellent alors ??!! Alors j’ai appris qu’il y a toujours deux personnes « sur le coup », et tous les aléas que cela comporte…
Tu as abrégé la conversation car il fallait que tu partes… je voulais te dire courage, bravo, au revoir, je t’aime… rien n’est sorti, à part un sanglot que j’ai réussi à étouffer tant bien que mal…
Ensuite, j’ai attendu l’appel qui me confirmerait (ben oui, fallait que ça confirme, fallait que ce soit toi !). Là encore, défaut de connaissance : j’ignorais tout des protocoles que subissent les malades pour voir si compatibilité avec le greffon, ou non. Moi, grosse naïve, je pensais qu’on te ferait juste une prise de sang pour vérifier que tu n’avais pas d’infection, et qu’on serait fixés dans les deux heures qui suivent… à 15h00, j’en pouvais plus de stresser à mort, je me trouvais des occupations à la maison qui me sembler durer des heures mais qui ne duraient que 10 ou 15 minutes ! Alors j’ai appelé Fred, qui m’a dit calmement « ah ben non ça marche pas comme ça, y’a plein d’examens à faire, et on saura que vers 20 heures ! » ah bon ??!! bon ben je vais sortir prendre l’air, moi, parce que je vais péter un câble à attendre encore 5 heures comme ça, je suis au bord de l’apoplexie !!
Et puis enfin, le soir, je ne me souviens plus de l’heure (mais toi oui, j’en suis sûre !), Fred m’a dit « ça y est, ils la préparent pour le bloc, c’est bon ». Ouais, supeeeer ! Et puis là, deuxième effet kiss cool : je me suis dis « ah mais au fait, c’est quand même grave comme opération, ça va durer 6 heures… ». Bah oui, j’y avais pas pensé avant, j’étais concentrée sur mon mantra « faut que ce soit elle, faut que ce soit elle, faut que ce soit elle ! »
Je me suis occupée tant bien que mal jusqu’au soir, retour de Bruno qui rentrait du boulot, j’ai pleuré comme une gosse tellement j’avais peur pour toi ! On regardé un film marrant, j’ai même pas ri ! J’ai repoussé au maximum l’heure de me coucher, je me disais « avec un peu de chance, ce sera plus rapide que prévu et on aura des nouvelles plus vite ». Mais dans la vraie vie, les chirurgiens ne sont pas aussi rapides que ceux de « sous le soleil » ou « urgences » ! ça a duré plus de six ou sept heures je crois (tu sais ça bien mieux que moi !), et l’épuisement a eu raison de moi. Je me suis finalement endormie. J’avais gardé mon portable près du lit, pour l’entendre dès qu’on me donnerait des nouvelles de toi. Le portable a sonné au petit matin, un SMS, vite, c’est Maman ! Je me suis assise dans le lit en vitesse, Bruno pareil. Je choppe fébrilement le portable pour lire le SMS. Bruno, impatient et stressé un peu, aussi, me dit « Alors ?? ». Moi : « Ben j’ai les yeux embrouillés de sommeil, j’arrive pas à lire !! ». Au final, c’est Bruno, plus alerte que moi au réveil brutal, qui a pris le portable et m’a lu « elle est sortie du bloc, ça a duré plus de 6 heures, le rein fonctionne ». Ben voilà, ça, c’est fait.
J’ai souvent pensé à la famille de cet ange, de la décision difficile à prendre le jour où leur être cher va les quitter… j’ai ma carte de donneur depuis l’âge de 18 ans, depuis bien avant que tu sois malade, je suis à fond pour, mais que ce doit être difficile de prendre la décision… avec la minuscule consolation de se dire, face à cette grande perte, « il ou elle vivra encore un peu à travers quelqu’un »…
Je n’ai pas de mots pour remercier la famille de ton donneur, il ou elle doit tellement leur manquer…
Mais grâce à ce don de vie, tu es en vie ! ça n’a pas de prix…
Aujourd’hui, ça fait deux ans… deux ans de hauts et de bas, de bons et de mauvais moments, de créat qui fait des siennes, suivi de moments de bonheur, puis un petit avc, puis on remonte encore la pente, on vit, on rit, on replonge encore (notamment avec ton petit mari récemment), mais on se relève toujours, TU te relèves toujours ! Je suis fière de toi, fière de ta force, que tu as en toi, pour toi, et que tu sais si bien insuffler aux autres ! Je souhaite que ton greffon vive longtemps encore, que tu profites de la vie, je serai toujours là pour toi ! Même s’il est parfois difficile d’être présent sans être maladroit… Je t’aaaaime, grande sœur !!